Ma Chérie : Chambre 315
Sladjana Djordjijevski
Comment sans laisser une partie de soi, celle qui rêve de liberté, déjoue les règles de vie en société pour se nourrir de cet entourage omniprésent dans son nouveau lieu de vie, parmi les soignants et les soignés.
Roman tendre, drôle et grave à la fois, nous ouvre les portes des relations entre soi et les interprétations.
« Personne ne pourra contempler la même plume du même œil ».
EXTRAITS
« Il parait que je suis devenue « une charge ». Le médecin m’a dit, et cela m’a sciée : « Acceptez, pour décharger votre fille » et pour les voisins aussi. On ne peut plus rien dire de nos jours sans être traitée de « vieux gaga ».
Ah ma Céleste, avec qui vas-tu converser à présent que l’on te considère comme une petite fille en devenir. On me parle comme si je venais d’une autre planète alors que jusqu’à hier j’ai donné la vie, j’ai fait le monde d’aujourd’hui. Et après une petite difficulté, je suis pointée, je suis dangereuse, je suis inapte à savoir ce qui est bien pour moi. Tout le monde sait ce qu’il me faut, sauf moi. La gaga, l’impotente, le cerveau en pointillés.
Enfin, je me suis échappée de cette folle qui veut à tout prix me laver. Est-ce que je veux rester là ou je me fais la malle ? Mais pour aller où ? Chez mes enfants, impossible. Ils ne me garderaient pas chez eux. Je
n’ai plus personne, personne. Je ne suis plus personne.
Je ne vais tout de même pas m’enfermer avec ces vieux toute la journée ! Il n’y en a pas un qui vaut l’autre. Je n’ai rien eu d’autre comme conversation avec eux à part « appelle l’infirmière, je dois aller à la toilette, je dois pisser, j’ai mal au ventre ». Et l’autre, la Madame Rinithe, ma voisine de table, qui rote, je la soupçonne même d’avoir des lâchers de vents pathologiques. Aucune retenue, que des vieux croutons !